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Les deux quartiers sont presque une métaphore du Liban tout entier. Ils ne constituaient, à l’origine, qu’un seul ensemble, que la guerre civile a scindé en deux selon une ligne de fracture communautaire. Autrefois mêlées, la majorité sunnite de Bab Tebbaneh et la majorité allawite de Jabal Mohsen ont pris des chemins divergents lorsque Tripoli est devenue, dans les années 70 et 80, le foyer d’une politisation tous azimuts – sous l’effet de la cause palestinienne, de l’affirmation du nationalisme arabe et de l’islamisme et, partant, des ingérences croissantes de la Syrie. Des combats de rue firent de nombreux morts de part et d’autre, culminant avec un véritable massacre perpétué à Bab Tebbaneh en 1986. Comme ailleurs au Liban, les blessures ouvertes à l’époque ne se sont jamais refermées : les mémoires restent à vifs ; les identités se définissent sur un mode victimaire, en référence aux souffrances endurées, aux menaces qui persistent et aux revanches à prendre ; le présent est perçu à travers le prisme du passé ; et les deux côtés partagent un même sentiment de vulnérabilité extrême.
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