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Dans les années 1960 et 1970, cette orientation esthétique prend chez l'artiste une connotation politique, démocratique pourrait-on dire, en ce qu'elle vient questionner la hiérarchie artistique qui veut que l'œuvre (ou son créateur) prime sur le spectateur. Cette participation active, cet appel à un corps velléitaire et non plus soumis à un message, même symbolique, se déploie chez Cruz-Diez d'une série à l'autre, non pas selon des thématiques ou des sujets, mais selon divers phénomènes, processus ou méthodes, tous liés au phénomène coloré (le préfixe chromo- est quasi systématique dès la fin des années 1950). Ses Proyectos murales (1954), des reliefs abstraits héritiers du néo-plasticisme de Sophie Tauber-Arp, sont ainsi peints de couleurs primaires se projetant sur leur support immaculé grâce à l'éclairage ambiant et en fonction de ses variations. Fait tout aussi surprenant, ces reliefs offrent ces mêmes éléments faisant saillie à la libre manipulation du spectateur. La présente exposition vise ainsi à rendre compte de façon la plus exhaustive possible de l'univers de l'artiste, où les tableaux (Couleurs additives, dès 1959 ou Inductions chromatiques, dès 1963) sont peints, sérigraphiés ou même, ces dernières années, imprimés à partir de fichiers électroniques. Un haut degré d'inventivité technique s'y retrouve chez l'artiste, en vue d'une précision formelle que l'on pourrait qualifier de « chirurgicale » pensée en vue d'améliorer constamment l'efficience sensorielle. Ces données concernent tout autant ses reliefs (nommés Physichromies, dès 1959). Le plus souvent, ceux-ci n'offrent non pas tant un volume en saillie sur un fond ; ils présentent en réalité un soulèvement et une division du plan tout entier en de fines et multiples cloisons verticales, constituées elles-mêmes par des lamelles de divers matériaux (carton, plexiglas, métal, etc.) maintenues perpendiculairement au plan du support vertical.
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